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On peut déduire de l'analyse du style cinématographique de Lang une conception idéologique dans un sens très large, qui joue dans
les limites du chaos et du déterminisme. On reconnaît certes un coup de main pour
contrôler le chaos, mais il n'est pas indifférent de remarquer que celui-ci se produit
après coup. Il est facile d'en dégager une attraction étrange pour le chaos, aussitôt
suivie de son évacuation radicale et ceci d'une manière qu'on pourrait qualifier de
paranoïaque car elle aspire à ne pas laisser de trace. Enfin, cette idée parfois vague,
parfois complète, s'empare de la mise en scène en s'appuyant soit sur la composition
de l'image, soit sur l'organisation de l'espace, soit sur la temporalité, soit finalement
sur l'attribution du regard à une voix située à l'intérieur du récit. Si comme
Eisenschitz l'a posé, l'exil américain de Lang suppose la fin de l'innocence de l'art de
raconter, l'on ne peut être que surpris par le devenir de nouveaux démiurges qui
surgissent des cendres d'un récit brisé dans ses films hollywoodiens. La distance, il
faut l'avouer, est abismale: Mabuse ou Haghi sont des présuppositions, tandis que
Joe Wilson (Fury) o John Garrett (Beyond a Reasonable Doubt) naissent d'un récit
trop réaliste et aux dimensions humaines qui les verra s'élever à une catégorie
surhumaine pour un instant, mais ce ne sera que pour mieux les écraser ensuite aux
mains d'une autre figure qui assiste avec ironie tragique à sa chute finale.
Il va sans
dire que le repérage de ces traits n'implique pas pour autant la présupposition qu'ils
sont partout présents dans l'oeuvre langienne et qu'ils ne connaissent pas de
contradiction au sein des filins.
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