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Sous l'impact produit par la chute du communisme, un sentiment bizarre s'empare de Tzvetan Todorov. Il écrit, dans un livre proche du témoignage, que 'plutôt que de participer à l'euphorie générale devant cette véritable fin de la guerre, [il) éprouve le besoin de revenir en arrière, vers les années d'angoisse, vers la sombre époque où les régimes nazi et communiste atteignaient leur puissance maximale, et vers leur institution exemplaire, les camps» 1. La fin de ce second grand système totalitaire moderne marque la véritable fin de la Seconde Guerre mondiale et provoque une réflexion sur un phénomène difficile à concevoir: les camps de la mort. Les commémorations du cinquantième anniversaire du triomphe militaire des Alliés, tout au long de l'année 1995, ont renforcé l'actualité de cet effondrement de l'Europe par l'invasion de la barbarie. Les nouvelles approches de l'Histoire -Histoire des mentalités, Histoire événementielle, anthropologie historique et autres ... - qui mettent l'accent sur l'importance des mémoires et des biographies, valorisent l'expérience dans l'écriture de l'histoire. Essor extraordinaire de la mémoire, donc, qui semble à la fois paradoxal et complémentaire à la <<déhistorisation» qui a régné au cours des dernières décennies. Paradoxal, car le risque de 'trop privilégier la mémoire, c'est s'immerger dans le flot indomptable du temps' ; complémentaire, au sens où les petits récits ont l'air d'avoir pris la relève des grands métarécits quelque peu en détresse, si l'on eri croit les théoriciens de la soi-disant postmodernité, JeanFrançois Lyotard en tête.
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