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Laurent Véray signale que les images emblématiques de la
Première Guerre mondiale, qui se sont installées dans la
mémoire collective, sont en majorité " des faux". La révolution
(technologique de la photographie, qui se développa avec la
guerre d'Espagne, ainsi que la croissance spectaculaire du photojournalisme et des revues illustrées, ont répandu l'idée que
le direct était la façon la plus juste de représenter les batailles.
Ainsi, comme Robert Capa, David Seymour (Chim), Gerda Taro,
Agustí Centelles et tant d'autres qui avaient capturé l'instant,
nous supposons, presque automatiquement, qu'il en fut de
même pour les opérateurs de cinéma. Or ce ne fut pas le cas.
Il est vrai que le poids de l'instant était devenu une obsession
pour les cameramen. D'où leurs efforts pour être le plus près possible de l'action, et le faible nombre de reconstructions.
En guise de falsification on préféra le montage a la mise en
scène. Les avant-gardes artistiques des années 1920 avaient
influencé le documentaire des années 1930. Il n'en demeure
pas moins vrai que les représentations de la bataille filmées
de l'intérieur restent rares. La guerre d'Espagne constitue, en ce
sens, un moment charnière: la prise de vues sur le vif, saisie
au creur même du combat apparaît, mais elle n'est pas fréquente.
Les deux films analysés montrent les limites, et pas seulement
techniques, de l'imagerie de guerre. Dans les deux cas,
quelque chose transcende la fonction de reportage : les valeurs
héroïques, les cérémoniaux, les commémorations. C'est la le
côté archaïque de la guerre civile espagnole, qui contraste avec
sa radicale modernité en matière de couverture et de diffusion.
La production républicaine montre, par contre, une plus grande
modernité sur un aspect: le regard porté sur les victimes.
Instrument de propagande? Sans doute. Mais l'héroïsme "a
échelle humaine" - et non épico-militaire - est une des caractéristiques
des discours républicains: solidarité, martyrologe ...
C'est peut-être pour cela que la guerre d'Espagne continue
d'être, dans l'histoire des représentations guerriêres, aussi incertaine
... et aussi génante.
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